Cette stratégie thérapeutique consiste à trouver le traitement le mieux adaptés pour un groupe de patient réduit, en oncologie notamment. Les principaux laboratoires pharmaceutique multiplient les partenariats pour bénéficier de plateforme d’analyses de données émanant importants groupes de patients et enrichir leurs connaissances des pathologies.

La médecine de précision (ou personnalisée) est devenue un véritable mantra pour les laboratoires pharmaceutiques. Elle permet de diagnostiquer précisément les pathologies dont souffrent les patients et leurs nuances, afin de fournir les traitements les plus adaptés. Pour développer cette forme de médecine, les laboratoires s’intéressent notamment à la génomique. Cette discipline vise à identifier de nouveaux gènes, leurs altérations potentielles, et à séquencer les molécules d’ADN. Ces données sont collectées, analysées et comparées grâce à des algorithmes. Une solution pour diagnostiquer ou connaître les détails des pathologies de façon précoce.

L’industrie pharmaceutique investit ainsi dans les techniques de séquençages, des plateformes d’analyses ou encore la bioinformatique (association de la biologie moléculaire, de l’informatique, les mathématiques et la physique). La médecine de précision intéresse tout particulièrement les laboratoires pharmaceutiques développant des traitements en oncologie, secteur le plus investi par les industriels du médicament. On recense 200 types de cancer, sans compter les sous-types, ce qui pousse les laboratoires à développer des traitements adaptés à des petits groupes de patients.

Partenariats à foison

Pour accélérer dans la médecine personnalisée, certains laboratoires pharmaceutiques développent des infrastructures dédiées à la santé numérique. C’est le cas de Merck & Co. Fin mars, le géant pharmaceutique américain a annoncé son projet de créer une nouvelle infrastructure dédiée aux technologies d’information, avec l’embauche de 600 personnes à la clé, rapporte le site spécialisé Fierce Pharma. La big pharma en possède déjà trois dans le New Jersey (Etats-Unis), la République Tchèque et Singapour. L’objectif de ces centres est de collecter des métadonnées et construire des plateformes dédiées à la médecine personnalisée, explique Merck & Co. La big pharma américaine espère obtenir une « porte d’entrée vers le futur de la santé numérique et de la science ».

Les laboratoires pharmaceutiques multiplient également les partenariats :

  • En décembre, Pfizer a signé un partenariat avec IBM Watson pour avancer dans la découverte de traitements en immuno-oncologie. Le géant pharmaceutique va analyser rapidement des hypothèses de développement grâce à des « données massives et disparates ». Grâce à cet accord, il jouit de 30 millions de sources (laboratoires, documentation médicales).
  • En mars, Novartis a passé un accord avec la startup Cota Healthcare pour utiliser sa plateforme cloud offrant des outils d’analyse de données. L’industriel suisse espère améliorer les effets de ses médicaments sur les cancers du sein, en peaufinant ses connaissances sur les facteurs cliniques variables des patients.
  • Roche a passé le plus important partenariat de ces derniers mois dans la médecine de précision. Il a investi un milliard de dollars pour accéder à la plateforme de Blueprint. Cette dernière compare des profils génomiques de patients pour déterminer quel inhibiteurs de kinase (un enzyme dont le développement peut être responsable de cancers) est le mieux adapté à leur cas.
  • Début mars, la startup Grail, dédiée à la détection de types de cancers précis (du sang notamment), a levé près d’un milliard de dollars auprès de gros investisseurs dont Johnson and Jonhson,  Merck and Co, Celgene et le laboratoire BMS. Ils espèrent bénéficier du savoir-faire et les donnés cliniques de la startup pour développer des médicaments ciblant des types spécifiques de cancers. La startup américaine utilise le séquençage à haute intensité, des données scientifiques, et prépare un essai clinique sur la médecin génomique avec le recrutement de dizaines de milliers de personnes pour mieux identifier les sous-types de la pathologie et les diagnostiquer tôt.
  • Regeneron, une biotech particulièrement rentable (elle a « multiplié par 12 chaque dollar investi sur la période 2011-2015 », selon le BCG), s’est associée à Geisinger Health System, une société américaine apportant des solutions en santé numérique. Dans une publication, ils expliquent avoir étudié les variants génétiques de plus de 50.000 patients pour détecter des mutations génétiques risquant d’entraîner des cancer ou des maladies cardiovasculaires ; de telles mutations ont été repérées chez 3,5% des patients. Ces recherches pourraient donner lieu à de nouveaux traitements, précise Regeneron.

Un marché à 100 milliards de dollars dans quelques années

La médecine de précision devrait représenter un marché de 100 milliards de dollars en 2022 dans le monde, selon MarketsandMarket, boostée par les outils de test génomique et les partenariats avec les industriels pour les logiciels et services de santé numérique, précise le cabinet américain. Cela représenterait autour de 10 % du marché pharmaceutique, attendu à plus de 1.000 milliards de dollars à cette année-là.

Il faut dire que cette stratégie, en cas de succès, confère plusieurs avantages aux laboratoires, d’où leur enthousiasme pour la médecine de précision. Dans une interview accordée à La Tribune, une dirigeante de Roche expliquait qu’elle offre la possibilité de raccourcir la durée des essais cliniques, et potentiellement de lancer ses traitements plus rapidement sur le marché. Également, avec la médecine de précision, une efficacité plus importante pour un nombre de patients réduit pourrait faire grimper les prix, dit-elle.

Car les autorités de santé, si elles cherchent à réaliser des économies, sont prêtes à mettre le prix pour un traitement s’il s’avère suffisamment efficace. En témoigne l’intérêt prononcé ces dernières pour le paiement selon le bénéfice apporté par le médicament. Le dernier accord cadre signé entre le Comité économique des produits de santé et l’industrie pharmaceutique en janvier 2016 intègre ainsi des « contrats de performance ».

Source : La Tribune