Dernières heures pour Manudor, à Elbeuf. L’entreprise adaptée, qui compte 25 salariés handicapés, ferme ce mercredi. L’association Papillons Blancs 76 s’était montrée intéressée pour reprendre la société, en redressement judicaire. Mais elle s’est désistée il y a 10 jours sans explication.

« Vous avez vu? On n’est plus que 5… On est en train de vider, là… » C’est Marie-Laure Provost, représentante du personnel CGT, qui fait la visite des locaux. Et ils paraissent encore plus vides avec tous ces cartons qui s’amoncellent. La société Manudor existe depuis près de 30 ans à Elbeuf (Seine-Maritme). Sa spécialité, c’est le packaging cosmétique : rouges à lèvres, vaporisateurs de parfums notamment. Elle fabrique aussi des casques de sécurité pour les chantiers. 

L’autre spécialité de Manudor, ce sont ses 25 salariés, tous reconnus travailleurs handicapés (même s’il s’agit pour la plupart d’un handicap invisible). Dominique a presque 23 ans de maison, l’annonce de la fermeture a été un choc pour elle : « C’est vraiment un coup de massue », dit-elle. L’avenir, elle le voit « mal » mais veut rester optimiste : « A 51 ans, ce n’est pas évident mais je suis motivée et je ne ferai pas la difficile. »

Pour tous les salariés de Manudor, c’est le flou le plus total. Marie Laure Provost, déléguée du personnel CGT, explique : « On n’a pas eu trop le temps de réfléchir à ce qu’on allait faire puisqu’on pensait être repris par les Papillons Blanc et qu’ils se sont désistés il y a 10 jours. » Les 25 travailleurs handicapés se retrouvent donc licenciés. Franck, un autre salarié, ne cache pas son écœurement : « Arriver à une fin comme ça, c’est un peu décevant pour tout le monde. On ne sait même pas pourquoi ils n’ont pas voulu reprendre, ils n’ont pas dit la vérité en fin de compte. »

L’association Papillons Blancs 76, spécialiste du handicap, n’a pas fourni plus d’explications au directeur de Manudor, Pascal Lépinard. Le patron en veut surtout, lui, à l’administration, qui a cessé ses aides, selon lui, depuis le placement de l’entreprise en redressement judiciaire : « Notre mode de fonctionnement social ne leur convenait plus. Donc ils ne voulaient plus renouveler leurs aides et c’est la cause première de la fermeture. »

Manudor était en redressement judiciaire depuis un an. L’entreprise a perdu de l’argent, d’après Marie-Laure Provost, à la suite d’un contrat passé avec un client malhonnête : « On a fait de la mise sous pli pour l’isolation à un euro et malheureusement c’était une arnaque. On a fait deux fois 600.000 plis. Vous comptez le timbre, le papier, l’imprimante et le personnel… La somme est montée à plus de 100.000 euros. » 

Manudor était sur Elbeuf la seule entreprise adaptée. Contactée, l’association Papillons Blancs 76 n’était pas disponible ce mardi pour répondre à France Bleu Normandie. Marie-Laure Provost, elle, a acheté sa maison une semaine avant de savoir qu’elle serait licenciée.

Reclasser les salariés

« Nous avons mené un audit pour étudier la situation avec de grandes difficultés pour avoir accès aux documents. On a constaté que la société était à son troisième plan social avec une baisse régulière de son activité« , explique Yves Vernon, président de l’association les Papillons Blancs 76. « En janvier 2022, on a appris par une lettre transmise par l’administrateur judiciaire que le client principal de Manudor qui représentait plus de 70% de l’activité se retirait« , ajoute-t-il.

Avec ces éléments, l’association a pris la décision de ne pas reprendre cette activité. La situation « n’étant pas viable au regard du retrait du client principal« , renchérit Yves Vernon. « La décision a été prise par rapport à ce client qui avait indiqué à Manudor qu’il arrêtait même si l’entreprise allait continuer en tant que telle« , détaille Yves Vernon.

« Aujourd’hui, on est avec un objectif de recréer des postes en entreprise adaptés sur le secteur géographique. Nous sommes en relation avec l’administrateur judiciaire pour participer à la cellule de reclassement de Manudor. Est-ce qu’avec les autres clients on peut relancer une activité au nom des Papillons Blancs et donc relancer une activité avec quelques salariés« , confie Yves Vernon.

« On réfléchit aussi à voir si les autres activités proposées sur le territoire par Manudor, et bien, on pourrait les diversifier et on réfléchit avec des secteurs comme la propreté, de la maintenance, des espaces verts qui pourraient permettre à assurer un maximum de sauvegarde de l’emploi« , conclut le président de l’association Les Papillons Blancs assurant qu’ils auront une attention particulière pour chaque salarié.

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