La performance de sa pépite américaine Genzyme, rachetée en 2011, confirme que le laboratoire français doit accélérer dans les nouvelles technologies médicales. Sa division maladies rares réalise déjà 2,7 milliards d’euros de chiffre d’affaires avec cinq traitements.
L’attraction de Boston avait été fatale à Chris Viehbacher, l’ancien patron de Sanofi remercié pour s’être trop ouvertement délocalisé outre-Atlantique. Le géant français est pourtant en train de construire un nouveau siège dans ce qui est devenu la capitale mondiale de la santé. A l’image de la Silicon Valley pour les nouvelles technologies, cette zone métropolitaine de la côte Est américaine, qui abrite l’université Harvard ou le Massachusetts Institute of Technology, concentre sièges sociaux et centres de recherche d’une industrie pharmaceutique bousculée par la biotechnologie. Sanofi se devait d’y renforcer sa présence.
Le nouveau site s’élèvera à quelques jets de pierre de celui de Genzyme, la pépite biotech que le Français s’est offert pour 20 milliards de dollars en 2011. En quelques années, cette acquisition a projeté le laboratoire français dans une révolution industrielle et changé son modèle économique. Avec l’essor de la biotechnologie, un nouveau médicament sur deux n’est plus composé de molécules chimiques mais de substances actives issues de cultures cellulaires. Surtout, il ne cible plus uniquement une maladie, mais ouvre des voies thérapeutiques qui peuvent permettre de traiter différentes pathologies.Pour Sanofi, quatrième laboratoire au monde, le virage biotech arrive à temps pour compenser une panne de croissance. En 2016, son chiffre d’affaires de 33,8 milliards d’euros est resté stable. Pis, sans la progression de 17,3% des revenus générés par Genzyme, il aurait même reculé.
Treize molécules en phase de développement avancé
Le poids de la biotech américaine dans le groupe va encore progresser. Il a aujourd’hui dans le « pipe » 44 molécules. « Treize sont en phase de développement avancé », assure David Meeker, entré chez Genzyme il y a vingt-trois ans et aujourd’hui à la tête de la division. Sous son impulsion, le laboratoire est devenu un spécialiste mondial de l’une des niches actuellement les plus convoitées de l’industrie pharmaceutique : les maladies rares. En France, on en recense 7.000 qui affectent 3 millions de malades. Principalement d’origine génétique, ces pathologies ne bénéficient d’un traitement que dans moins de 5% des cas.
Sanofi Genzyme dispose déjà d’un portefeuille de solutions thérapeutiques pour plusieurs maladies comme Gaucher, Fabry ou Pompe. Exemple, la maladie de Gaucher, provoquée par le taux insuffisant d’une certaine enzyme dès l’enfance, source d’accumulation de graisse sur certains organes. Sa détection est particulièrement complexe : moins de 10.000 cas sont aujourd’hui recensés dans le monde alors que la population touchée est six fois plus importante. Genzyme contribue à soigner une centaine de patients avec un traitement qui en est déjà à sa troisième génération.
« Cela implique un suivi de chacun d’entre eux, commence Yann Mazabraud, ingénieur commercial chez Sanofi-Genzyme et spécialiste de la maladie de Gaucher. Nous les connaissons tous personnellement, tout comme leur famille. Et nous travaillons avec les associations de malades, les fondations, les autorités de santé. »
Le prix du traitement dépend du système de santé national
Pour Sanofi, davantage taillé pour écouler plus de quatre milliards de boîtes de médicaments par an, cet accompagnement thérapeutique au cas par cas est une vraie rupture. L’enjeu est de taille, le chiffre d’affaires du seul traitement pour Gaucher a atteint 854 millions d’euros. Il s’élève au total à 2,7 milliards d’euros pour les cinq traitements aujourd’hui commercialisés dans la catégorie maladies rares de Sanofi-Genzyme. Le coût de ces soins de dernière génération est aussi exceptionnel que la maladie : plus de 200.000 euros par patient et par an. « La valeur du traitement dépend beaucoup de ce qu’est prêt à payer le système de santé. Chaque pays a sa propre politique en matière de maladies rares. Le Pérou, par exemple, vient de débloquer un million de dollars pour un traitement pour dix patients », témoigne Yann Mazabraud.
En se spécialisant dans les maladies rares, Sanofi-Genzyme peut aussi espérer profiter du potentiel encore insondable de la thérapie génique. Les recherches sur la maladie de Gaucher ont révélé que des mutations génétiques observées chez ses patients se retrouvaient sur des malades atteints de Parkinson. L’illustration est plus flagrante encore avec le Dupixent, traitement pour lequel Sanofi et son partenaire américain Regeneron ont obtenu, le 28 mars, une autorisation de mise sur le marché américain. Ce médicament qui soigne une forme d’eczéma sévère peut se révéler efficace pour le traitement de l’asthme, des polypes nasaux, des inflammations de l’œsophage.
« Au total, s’enthousiasme David Meeker, nous avons dénombré 14 maladies qui pourraient être concernées. »
Un marché plus ouvert que jamais
L’acquisition de Genzyme ou la multiplication de partenariats avec des biotech comme l’américaine Regeneron ne suffiront pas à Sanofi. Pour rester dans la course à l’innovation, le français est à l’affût d’une nouvelle opération d’envergure.
L’an dernier, il s’est fait souffler Medivation, spécialiste des traitements du cancer, notamment de la prostate, par Pfizer qui a fait monter les enchères jusqu’à 14 milliards de dollars. En début d’année, c’est Actelion qui lui a échappé. La biotech suisse, plus grosse société européenne du secteur, a préféré convoler avec Johnson & Johnson contre un chèque de près de 30 milliards de dollars.
Sanofi lorgne une autre biotech
Ces dernières semaines, l’existence de discussions a fuité entre Sanofi et une autre biotech américaine, Flexion Therapeutics, valorisée à plus d’un milliard de dollars. Le Zilreta, le traitement phare de Flexion contre l’ostéoarthrite du genou, est en cours d’examen par les autorités de santé américaines. Pour Peter Barrett, associé chez Atlas Venture, un des grands fonds de capital investissement basé à Boston, le marché des fusions-acquisitions est plus ouvert que jamais dans le secteur.
« Les grands de la pharmacie ne sont plus focalisés sur les traitements contre le cancer comme cela a été le cas pendant des années. On les voit s’intéresser aux maladies rares. Mais avec la résistance aux antibiotiques, le retour des maladies infectieuses, si on se projette à quinze ans, avertit le spécialiste, leurs priorités vont changer. »
Source : JDD