Sanofi a embrassé tardivement la révolution biotechnologique, mais accélère pour rattraper son retard: après 3,3 milliards d’euros d’investissements industriels dans ce domaine ces cinq dernières années, il compte y consacrer environ 600 millions d’euros par an d’ici 2020.

Les investissements industriels représentent aujourd’hui 1 milliard d’euros par an, « un niveau considérable, jamais atteint chez Sanofi » auparavant, a rappelé mercredi lors d’un point presse Philippe Luscan, responsable des opérations du géant pharmaceutique français.

Environ les deux-tiers de ces montants annuels seront dédiés aux capacités de production dans les biotechnologies, a-t-il détaillé.

« Notre ambition est de devenir un leader de la production de biomédicaments (…) On s’y lance à fond », a-t-il insisté.

Issu du monde de la chimie, Sanofi a d’abord tardé dans les années 2000 à prendre la mesure du virage des biotechnologies dans le secteur pharmaceutique, qui pourrait représenter 29% du marché mondial en 2022, contre 17% en 2008, selon une étude d’Evaluate Pharma.

Symbole de ces errements stratégiques du passé, un site chimique du groupe de 8.500 m2 à Montpellier, livré en 2012, va être finalement détruit, sans avoir jamais servi.

Plusieurs syndicats de Sanofi ont dénoncé un « gâchis » de 107 millions d’euros et regretté que ce site n’ait pas pu être reconverti vers les biotechnologies.

Avec le repositionnement du groupe sur des produits innovants, « cet investissement à Montpellier s’est révélé non utile », a justifié M. Luscan. Ses équipements vont toutefois être réaffectés sur d’autres sites chimiques du groupe, a-t-il confirmé.

– Difficultés de recrutement en France –

Ces dernières années, Sanofi a néanmoins reconverti d’autres sites chimiques en France vers des productions biotechnologiques, comme Neuville-sur-Saône, près de Lyon, devenu le centre de production de son vaccin contre la dengue, et Vitry-sur-Seine, au sud de Paris, transformé en centre de recherche-développement dans les biotechnologies doté d’une unité de production d’anticorps monoclonaux.

Mais pour sa prochaine grande usine de culture cellulaire, Sanofi a préféré la Suisse, à travers une co-entreprise annoncée en février avec le sous-traitant pharmaceutique Lonza, avec un investissement de 270 millions d’euros chacun.

Sanofi dit connaître des difficultés à recruter en France des experts dans les métiers associés à la bioproduction. A Vitry par exemple, le groupe a dû faire venir des ingénieurs allemands et américains, selon M. Luscan.

« La formation en France dans les biotechnologies est dispersée, on appelle de nos voeux la création d’une filière », a-t-il déclaré, incitant à prendre exemple sur l’Irlande, qui forme chaque année « 4.000 personnes » dans ce domaine, venues du monde entier.

« L’argument est un peu fallacieux », critique Thierry Bodin, responsable CGT chez Sanofi, interrogé par l’AFP. « Il serait possible pour le groupe de participer à la création de cette filière » hexagonale or « on a l’impression qu’ils attendent que les pouvoirs publics le fassent », selon le syndicaliste.

Sanofi a toutefois mis en place à Vitry un « campus biotech » pour la formation interne de ses salariés. Plus de 1.100 d’entre eux y ont ainsi suivi des sessions sur les biotechnologies l’an dernier.

Par ailleurs, le groupe aide un certain nombre d’écoles françaises de formation en biotechnologies « à monter en puissance », par le biais de partenariats, a souligné M. Luscan.

Sur près de 40.000 employés de Sanofi dans le monde affectés à ses activités industrielles, quelque 15.000 oeuvrent dans la bioproduction, en incluant les vaccins, selon M. Luscan. En France, ils seraient 6.500 en bioproduction, évalue M. Bodin de la CGT.

Environ 400 personnes, dont 250 experts, ont été recrutés par le groupe au niveau mondial ces deux dernières années dans la bioproduction.

A l’avenir, Sanofi compte également déployer de nouvelles technologies digitales dans ses usines, permettant de connecter les équipements entre eux pour optimiser les processus de fabrication et de contrôle.

Son usine d’anticorps monoclonaux de Geel, en Belgique, qui fait l’objet d’un plan d’extension de 300 millions d’euros annoncé l’an dernier, va devenir dès 2018 un site pilote de ces nouvelles méthodes de production.

Ces technologies nécessiteront « moins d’opérateurs », mais créeront des besoins dans de nouveaux métiers, comme des analystes de données, selon M. Luscan.

Source : Boursorama