Pendant que la ville de Paris bataille pour accueillir les Jeux Olympiques de 2024, un autre combat s’y mène, moins médiatique mais au moins aussi important. Le 18 mai, entrepreneurs Français et Américains se rencontraient à l’occasion du premier Boston/Paris Biotechnology Summit. L’objectif de l’évènement : « Rassembler des acteurs majeurs de la biotechnologie » et faire de Paris l’un des premiers centres de la biotechnologie mondiale.
Ville en pleine ébullition, Boston est la capitale mondiale de la biotechnologie. Le temps d’une journée, plusieurs de ses acteurs étaient de passage à Paris, « l’une des plus belles villes du monde » s’exclamait au début du colloque, le professeur Christian Bréchot, qui dirige l’institut Pasteur.
Car ne nous y trompons pas, cette journée était principalement l’occasion pour les Français de faire valoir leurs atouts auprès d’investisseurs ou d’entrepreneurs ayant percé à Boston, la ville la plus concurrentielle du monde des biotechs. Une ville qui se trouve d’ailleurs « en surchauffe » pour reprendre l’expression utilisée par Youssef Bennani, responsable Recherche et Développement de Vertex Pharmaceuticals. Investisseurs, chercheurs, entrepreneurs ont tous pris possession du quartier de Kendal Square, à tel point que les places s’y font rares, même pour les investisseurs, reconnait le docteur Shahin Gharakhanian co-fondateur de l’évènement avec Soheila Gharakhanian Présidente de Blend of Concept Sarl : « Dès qu’une entreprise recherche des fonds, il y a trois concurrents prêts à investir. »
Dans ce milieu ultra-concurrentiel, certains Français ont tout de même percé, à l’image de Stéphane Bancel, dirigeant de l’entreprise Moderna Therapeutics, présent pour l’occasion. L’ensemble des sociétés françaises emploient environ 25.000 salariés dans l’Etat du Massachusetts, 6 d’entre elles font d’ailleurs partie des 25 plus grosses entreprises de la région, signe que les Américains regardent avant tout le potentiel des entreprises, plus que la nationalité des entrepreneurs.
Pourtant la France a du mal à attirer les investisseurs sur son territoire. « Le problème n’est pas en terme d’infrastructure ou de potentiel, le problème de la France, et des entreprises françaises d’ailleurs, c’est la communication », explique Shahin Gharakhanian. Le potentiel est en effet lui bien présent. « Le réseau hospitalier de l’AP-HP est le meilleur du monde mais il est trop méconnu », regrette le docteur Gharakhanian lui-même, ancien de l’AP-HP, quand les 600 biotechs françaises, elles, ont des difficultés à trouver des financements en France.
Un souci que rencontrent également les laboratoires qui partent à la recherche de capitaux étrangers. « Les entreprises ne se vendent pas assez ». La faute notamment à un décalage culturel pas forcément pris en compte par les Français pour persuader les investisseurs, principalement Américains. « Il faut leur raconter des histoires personnelles qui marquent, les Français ne le font pas forcément. » Une histoire, c’est ce qu’a su vendre Stéphane Bancel, venu partager son expérience lors du colloque. D’où l’importance d’un tel rassemblement, pour permettre aux différents partis de se rencontrer le temps d’une journée.
Surtout que d’autres villes vont tenter de s’attirer les faveurs de la place forte du secteur de la biotech : Montréal et Londres notamment. La capitale britannique défend « un réseau de recherche très performant », même si leur système de soin « reste limité », notamment par rapport à la France explique l’organisateur de la journée. Une réflexion confirmée par une étude publiée par la revue médicale The Lancet, estimant que la France est le 15e meilleur pays du monde en terme de qualité et d’accessibilité aux soins, quand le Royaume-Uni se classe 30e. Un avantage que le Brexit pourrait accroitre.
D’autant que la ville lumière présente un atout indéniable : sa proximité entre les instituts de recherche.
« Il y a une caractéristique géographique semblable entre Boston et Paris. Il y a une entité, c’est la même ville, vous pouvez circuler entre le Génopole et l’Institut Pasteur assez facilement par exemple ».
Une législation peu adaptée
Mais avant de pouvoir attirer les capitaux, la France devra modifier certaines lois, et libérer les flux financiers pour attirer les investisseurs étrangers. C’est le combat mené par Maryvonne Hiance, présidente de l’organisation France Biotech. Un de ses principaux chefs de bataille, c’est justement, pouvoir augmenter les fonds des entreprises françaises. Un point qu’elle tente de négocier avec le ministère de la Santé, afin de voir aboutir une nouvelle loi. « Nous voudrions simplement, que 1% des taxes sur l’assurance-vie soient investies dans les PME innovantes, au lieu qu’elles soient investies dans l’immobilier. » Une proposition qui va dans le sens d’Emmanuel Macron, qui voulait favoriser l’échange de capitaux et l’investissement financier dans les entreprises françaises. Cette mesure permettrait d’augmenter considérablement le budget des entreprises. « Cela représente 1 milliard d’euros à rajouter au budget des sociétés françaises. » A terme, cela doit permettre également de ne plus voir des biotechs françaises à la recherche de capitaux passer sous le giron de big pharmas américaines.
Outre les critères purement financiers, les entrepreneurs-chercheurs français croulent également sous des lourdeurs administratives, pouvant les pousser à s’expatrier. Pour valider des essais cliniques de phase 1 par exemple, la procédure « peut parfois prendre des mois » regrette Maryvonne Hiance. Un temps beaucoup trop long pour des entreprises qui vivent à crédit. « On peut aller en Belgique par exemple pour obtenir une validation de phase 1, et cela prend beaucoup moins de temps ».
Quels avantages pour les investisseurs américains ?
Evidemment, pour attirer les investisseurs et les experts étrangers, la France doit présenter des avantages. « Actuellement, les sociétés françaises ne peuvent pas engager d’experts américains faute moyens suffisants pour égaliser les salaires pratiqués aux Etats-Unis, donc nous voulons leur proposer de leur donner des actions » propose Maryvonne Hiance.
D’autant que le potentiel des biotechs françaises est sous-exploité selon l’organisateur du sommet. Une vision partagée par la présidente de France Biotech : « En France nous avons une très bonne science, et les valeurs des boites françaises sont très faibles. DBV qui valait moins de 100 millions d’euros en France, vaut 1,5 milliards sur le Nasdaq aujourd’hui ». Un potentiel conséquent et des centres de recherche qui ont déjà attiré une société de Boston, PathMaker, dont le premier bureau vient d’ouvrir en France. « Le premier échange d’une longue série » espère Shahin Gharakhanian.
Source : Boursorama