En dépit du contexte défavorable, que ce soit avec le PLFSS 2023, peu favorable à ses clients de l’industrie pharmaceutique, les effets de la crise énergétique sur l’inflation et la compétitivité de l’industrie européenne, le groupe Seqens va poursuivre ses efforts de relocalisation de production de molécules essentielles en France. Après l’annonce d’un investissement dans la fabrication de paracétamol à Roussillon, le groupe a lancé d’autres projets. Entretien avec Pierre Luzeau, le pd-g de Seqens.

InfoChimie magazine : La société Seqens a connu des changements d’actionnariat et de périmètre assez importants, fin 2021 ? Pouvez-vous revenir sur ces opérations ?

Pierre Luzeau : Nous venons de fêter les un an de ce changement d’actionnariat, avec l’arrivée de SK Capital Partners (SKCP). Il s’agit d’une société d’investissement privée américaine, basée à New York, qui est spécialisée uniquement dans les secteurs de la chimie et de la pharmacie. SKCP gère actuellement douze milliards d’euros d’actifs dans ces domaines. Il a la particularité d’être un investisseur de long terme, patient et totalement connaisseur de nos secteurs d’activités.

Aux côtés de SKCP, cinq autres actionnaires se partagent une trentaine de pourcents. Ce sont des actionnaires historiques, à la fois stables et à base française. Il s’agit de BPIFrance, du fonds Nov Santé, d’Ardian, et de Mérieux Développement et Eximium qui sont deux family office français.

Ensemble, ils ont permis à Eurazeo, notre précédent actionnaire majoritaire, de sortir au bout de cinq ans, après nous avoir aidés à transformer le groupe pour devenir un vrai leader de la synthèse pharmaceutique.

Nous avons adossé à cette sortie l’acquisition de la société Wavelength. Elle est active dans le domaine des génériques avec des sites en Israël et en Inde, ce qui constitue une activité parfaitement complémentaire de celles de Seqens et qui vient renforcer notre positionnement.

Vous avez également cédé vos activités dans le domaine de la chimie minérale…

P.L. : La chimie minérale n’avait pas de lien stratégique avec le reste du groupe. La partie pharma de cette activité était modeste et ne participait pas à notre offre pharmaceutique globale tournée vers la chimie organique. Nous étions dans des mondes non pas incompatibles mais différents. C’est pourquoi l’activité a été cédée à nos actionnaires historiques et a donné naissance à une belle société indépendante, Humens.

Comment s’est déroulée l’année 2022 dans cette nouvelle configuration ?

P.L. : La première information que l’on peut donner est que l’année 2022 sera à nouveau une année de forte croissance des résultats de Seqens. Nous avons bénéficié d’une demande soutenue sur toutes nos activités malgré les signes de récession et le contexte inflationniste. 2022 sera également une année historique en ce qui concerne le niveau de nos investissements qui atteignent plus de 100 millions d’euros. 2023, qui sera l’année de notre vingtième anniversaire, s’annonce d’ores et déjà sous de bons auspices. Malgré la récession, notre modèle d’acteur intégré fortement tourné vers le marché de la pharma nous permet d’être résilients face aux crises. Aussi, nous avons décidé d’accélérer à nouveau notre programme d’investissements en 2023, en anticipant une augmentation de 50 % de nos investissements dont la grande majorité sera réalisée en France. Nous travaillons, en particulier, sur de nombreux projets de relocalisation de molécules critiques en France ou en Europe.

Prévoyez-vous des opérations de croissance externe ?

P.L. : Seqens dispose d’une palette de technologies, qui est la plus large du marché. À ce titre, nous avons la capacité de poursuivre notre forte croissance à partir de nos bases. Nous pourrions procéder à des acquisitions ciblées pour acquérir des technologies complémentaires, mais ce n’est pas un chemin obligé. Tout dépendra des opportunités qui se présenteront.

Que pouvez-vous dire sur la force de frappe de Seqens en matière de R&D ?

P.L. : Au cours de ces dernières années, Seqens a sensiblement augmenté ses moyens en R&D, au point que celle-ci mobilise 10 % des effectifs globaux du groupe. Un chiffre qui est bien au-dessus de la moyenne de notre industrie. Notre métier est d’accompagner des clients innovants, à l’origine de nouveaux médicaments, depuis les phases de découverte – early stage – jusqu’à la commercialisation du médicament. Il se peut que nous accompagnions un client sur une durée de dix ans sur un projet donné et avant son lancement ! Ce positionnement nous oblige à avoir une palette complète de supports et services de R&D. L’innovation est un levier de différenciation clé de Seqens par rapport à ses concurrents.

On a beaucoup évoqué, ces derniers mois, le développement de la chimie en flux continu, ou flow chemistry, dans ce domaine de la synthèse pharmaceutique. Où en est Seqens dans ce domaine ?

P.L. : La flow chemistry est une technologie maîtrisée aujourd’hui par Seqens. Nous disposons à la fois d’outils de R&D et d’une unité qui réalise à la fois nos pilotes et de moyennes quantités industrielles sur le Seqens’lab de Porcheville, dans les Yvelines. Nous avons de multiples projets pour la fabrication d’intermédiaires pharmaceutiques ou non-pharmaceutiques. Cette technologie présente de multiples avantages : elle permet de réduire le nombre d’étapes de fabrication, de réduire la dangerosité du procédé global ou encore l’impact sur l’environnement. Par exemple, nous développons la fluoration sur nos miniréacteurs instrumentés pour un contrôle très fin des conditions opératoires.

Quelle est l’importance des activités de custom manufacturing ou CDMO dans le portefeuille de Seqens ?

P.L. : L’activité CDMO de Seqens concerne 4 sites industriels et 4 centres de R&D qui sont dédiés à 100 % à la synthèse à façon, sur les 24 sites que compte le groupe. Nous consacrons un effort important au développement de cette activité. Seqens est un des acteurs importants et reconnus au niveau mondial sur cette activité d’accompagnement au développement de nouveaux médicaments. Et c’est un des leviers de croissance forte du groupe et une des activités sur lesquelles Seqens concentre le plus ses investissements industriels et de R&D.

En quoi est-ce si important d’exceller dans cette activité de CDMO ?

P.L. : C’est un métier de services de R&D, de production de lots d’essais pour nos clients et d’accompagnement de l’industrialisation jusqu’à la commercialisation. À ce titre, cela nous permet de maîtriser les innovations de nos clients, de mieux les comprendre et surtout d’être positionnés sur les médicaments de demain. C’est extrêmement important pour être à la pointe des technologies et cela va avoir des vertus pour tous les autres projets de R&D, même ceux qui s’adressent à la production de génériques ou d’intermédiaires.

Vous continuez donc à produire des génériques et des intermédiaires malgré votre savoir dans le custom manufacturing ?

P.L. : Bien entendu, nous continuons de produire des génériques et des intermédiaires un peu partout dans nos usines. Pour répondre à cette volonté de réindustrialisation dans le domaine des matières actives pharmaceutiques, il y a aussi le besoin de fournir localement des intermédiaires GMP et non GMP.

Nous en arrivons à l’actualité qui a occasionné de nombreuses prises de paroles dans les média : à savoir la relocalisation d’une unité de production de paracétamol sur la plateforme de Roussillon. Où en est ce projet ?[…]

Source: L’usine nouvelle