En ce mois de décembre, l’usine Delpharm de Huningue démarre une nouvelle ligne de production de médicaments sous forme pâteuse. L’investissement de 5 millions d’€ complète les formes liquides et semi-liquides qui constituent le socle traditionnel d’activité du site alsacien. Pour compléter les effectifs de production, l’entreprise a construit un cursus de formation spécifique qui s’adresse à des profils de tous horizons.

L’usine Delpharm de Huningue (Haut-Rhin) franchit un nouveau pas dans la transformation technologique et économique de ce site aux portes de la Suisse, que le groupe français de fabrication de médicaments a entrepris, depuis qu’il l’a repris en 2011 au géant pharmaceutique helvétique Novartis. En ce mois de décembre, démarre une nouvelle ligne de production de médicaments sous forme pâteuse. L’investissement de 5 millions d’€ vient s’ajouter aux 16 millions injectés en huit ans.
Ce type de conditionnement aboutit, pour le patient, à des produits sous forme de crème. Connaissant un développement récent, il complète les formes liquides et semi-liquides qui constituent le socle traditionnel d’activité du site alsacien. Il contribue ainsi à la croissance de celui-ci, jamais démentie en huit ans : « La production, située à 20 millions d’unités par an à notre arrivée sur place, est passée à 34 millions désormais et notre carnet de commandes grimpe à 44 millions », décrit Guillaume Sabatier, directeur de Delpharm Huningue. En conséquence, le chiffre d’affaires devrait passer à 46 millions d’€ l’an prochain.

Le changement de physionomie s’exprime par ces évolutions de chiffres d’activité, mais plus encore dans celle-ci que rappelle Guillaume Sabatier  :

« L’usine avait un client en 2011, elle en compte 28 aujourd’hui ».

L’usine de Huningue fonctionnait en effet en circuit interne lorsqu’elle était intégrée à Novartis. Le groupe bâlois voisin ayant cédé l’activité concernée, le nouveau propriétaire Delpharm s’est installé avec la stratégie d’une entreprise lambda, consistant à se constituer un portefeuille de clientèle le plus diversifié possible, en l’occurrence dans le monde de l’industrie pharmaceutique. Ce qu’il a pleinement réussi.
Le groupe Delpharm s’est construit par des acquisitions successives de sites, auprès de majors pharmaceutiques comme Pfizer, Boehringer, Roche, Bayer, Johnson & Johnson, ou donc Novartis. À l’époque, Huningue constituait sa sixième implantation. Huit ans après, l’appareil productif de Delpharm est constitué de 17 usines en France (*) – dont dans l’Est, également Reims et Dijon – et à l’étranger (Pays-Bas, Canada, Italie, Belgique). Il génère un chiffre d’affaires de 750 millions d’euros et emploie 4 700 salariés.

Une formation spécifique d’opérateur de production pharmaceutique

La transformation de Huningue a posé des défis, certes techniques, mais surtout d’un autre ordre :

« L’enjeu majeur, ce fut l’adaptation des ressources humaines, et il reste prégnant ! », souligne Guillaume Sabatier.

Il a fallu renforcer les équipes par des fonctions commerciales, de support et de production : les effectifs sont passés de 219 à 290 salariés, dont 54 % de femmes.
Ce ne fut pas un long fleuve tranquille. Les premiers besoins supplémentaires de main d’œuvre, centrés sur les fonctions de support et de techniciens de laboratoires, ont été pourvus par le marché du travail classique et la filière académique : faculté de pharmacie de Strasbourg, école d’ingénieurs de chimie de Mulhouse (l’ENSCMu).
« Les difficultés sont apparues lorsqu’il s’est agi de trouver des candidats en production, pour le conditionnement de principes actifs et l’activité de répartition. Les annonces classiques ont en effet suscité peu de réponses et la mise en place, en 2017, d’une stratégie de type marque employeur – participation à des salons, présentations en collèges, lycées, universités… – a donné quelques résultats, mais insuffisants », relate Guillaume Sabatier. De même, l’embauche en CDI d’une partie des intérimaires « ne suffisait plus, sans un ciblage vers les candidats les plus appropriés.  »

Pour ne pas se retrouver dans une impasse, l’entreprise a bâti un cursus spécifique pour le recrutement de 20 opérateurs, en CDI ou en CDI intérimaire. Elaboré avec par l’Institut de formation des industries de santé (Ifis), le contenu est identique mais les voies de recrutement restent séparées de même que les financements.
Le premier cursus pour les demandeurs d’emploi, enclenché au printemps dernier et pris en charge par Delpharm et l’Opco (organisme collecteur paritaire pour le financement de la formation professionnelle) de la branche santé, fait appel à la méthode de recrutement par simulation de Pôle Emploi.

« Celle-ci élargit notre champ de prospection : choisies à partir d’une centaine de participants à la réunion d’information initiale, les 10 premières personnes retenues pour postuler présentent des profils très variés et viennent d’univers très différents, comme la restauration, la vente, l’accueil de la petite enfance », relate Karine Rousseau, DRH de Delpharm Huningue.

L’activité du site Delpharm, en pleine croissance : 44 millions d’unités en commande, 34 millions réalisés en 2019, induit des recrutements continus en production. © Delpharm

Le parcours pour les intérimaires, qui débutera en janvier prochain avec les concours financiers de la région Grand Est et des agences de travail temporaire partenaires, puise ses candidats parmi des travailleurs temporaires pouvant faire valoir un début de qualification dans les métiers de l’entreprise, notamment par le fait qu’ils y ont déjà effectué des missions.
La formation a le statut de titre professionnel « d’opérateur de production pharmaceutique » et attend prochainement sa reconnaissance officielle par l’Etat, sous forme d’inscription au RNCP (registre national des certifications professionnelles). Delpharm Huningue compte bien l’installer dans le temps et ne pas s’en tenir à un coup.
Ses besoins de recrutement ne faiblissent pas, pour compenser les départs naturels et accroître les effectifs. Elle envisage aussi de l’ouvrir à des entreprises du bassin de Saint-Louis, qui est riche de sites pharmaceutiques confrontés à des problématiques comparables.

Source : Traces Ecrites