Sollicitée par de nombreux pays, la biotech nantaise Xenothera a préféré privilégier la France. En annonçant une pré-commande du ministère de la Santé pour 30.000 doses de son traitement XAV-19, elle s’apprête à lancer la production à l’échelle industrielle pour une mise à disposition du traitement à la fin de l’été.

Un an, jour pour jour, après un premier contact avec l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) le 16 avril 2020, la biotech nantaise Xenothera achevait l’essai clinique de son traitement XAV-19 auprès de 400 patients…

« Quand on dit ça à monsieur tout le monde, il trouve ça bien, mais aux yeux des acteurs de l’industrie pharmaceutique, cela parait tout simplement impossible », met en perspective Odile Duvaux, Présidente de Xenothera, qui vient de signer une précommande avec le Ministère de la santé pour 30.000 doses de XAV-19, un anticorps polyclonal humanisé anti-SARS-CoV-2, destiné aux patients atteints de Covid modéré.

La cible prioritaire? Les patients ayant franchi un premier cap d’aggravation de la maladie. « Contrairement aux monoclonaux américains qui, sur des patients ayant des comorbidités, doivent être administrés dans les cinq jours qui suivent l’infection, le XAV-19 pourra être injecté aux patients sans comorbidité, dont l’état de santé s’aggrave au bout de six à neuf jours et qui déclarent une pneumonie », explique Odile Duvaux. En phase active de l’épidémie, cela concernerait 1.500 à 3.000 personnes par jour. Les 30.000 doses sont-elles suffisantes ?

La France en premier

«Il faut compter sur une décrue de l’épidémie et l’effet de la vaccination. Pour nous, les traitements sont un élément complémentaire et indispensable dans une stratégie antivirale. Dans tous les cas, nous serons prêts à livrer pour septembre où, selon toute vraisemblance, il y aura, à nouveau, des cas », argumente la présidente de Xenothera dont les capacités de production sont limitées à 30.000 doses d’ici à la fin de l’année.

Lauréats de l’Appel à Manifestation d’Intérêt Capacity Building, la biotech nantaise et son fabricant, le laboratoire LFB, devraient rapidement accroître leur capacité de production pour être en mesure de livrer 200.000 doses entre mi-2021 et mi-2022. A Alès, dans le Gard, FLB, aidé à hauteur de 3 millions d’euros, a investi 4,3 millions d’euros pour accroître son outil de production. A terme, l’objectif serait de produire 600.000 doses par an.

Dans l’immédiat, sollicitée par d’autres pays européens, l’Amérique du Nord, l’Amérique du Sud, et le Moyen-Orient, Xenothera a privilégié la France dont elle estime les besoins entre 30.000 et 50.000 doses.

« Cette signature illustre l’engagement du gouvernement français à garantir notre indépendance sanitaire face à l’épidémie de COVID-19. Nous réservons nos premières productions aux patients français et avons mis les autres pays en stand-by. Ça me semble logique compte-tenu des soutiens reçus depuis le départ. Ce contrat démontre aussi qu’il est possible d’entreprendre en France », se réjouit la chef d’entreprise nantaise qui, à travers différents programmes, devrait bénéficier de 15 millions d’euros de fonds publics sur deux ans.

Soutenue par le pôle de compétitivité Atlanpole Biothérapie, par la région Pays de la Loire et BPI France, Xenothera a, depuis sa création en 2014, levé 23 millions d’euros sans, pour l’instant, dégager de chiffre d’affaires. La commercialisation du XAV-19, devrait y remédier en 2022. A quel prix ? Le tarif ne serait, pour l’heure, pas défini. « Il dépend de simulations médico-économiques et de discussions pays par pays sur le Market Access -qui conditionne les mises sur le marché de nouveaux traitements- », indique Odile Duvaux qui, sans dévoiler le montant « confidentiel » négocié avec le gouvernement français, dément « les montants fantaisistes ayant circulé dans différents médias et qui n’ont aucune réalité.»

Efficace contre l’ensemble de variants

Offrant une protection similaire à la réponse naturelle de l’homme, et basé sur une technologie propriétaire unique et brevetée, ce traitement, promis par ses auteurs comme l’un des plus prometteurs en développement, met en œuvre plusieurs mécanismes d’action, notamment pour neutraliser le virus et réduire les inflammations.

« Nos études ont permis d’apporter des réponses à nos interrogations : à savoir dans quelles mesures nos anticorps confirmaient leurs propriétés anti-inflammatoires ou combien de temps les patients étaient protégés par nos anticorps. On estimait de quelques heures à une semaine. Or, on s’est aperçu que la protection durait plus de dix jours !  », précise Odile Duvaux.

« Et surtout, grâce à un spectre très large, le Xav-19 est actif contre l’ensemble des variants. Il a parfaitement fonctionné dans les tests in vitro et sur les virus vivants que nous avons pu tester », assure la présidente de Xenothera, soutenue le CHU de Nantes et l’équipe du professeur Vincent Calvez à l’hôpital Pitié Salpêtrière signataires de deux publications démontrant l’efficacité du XAV-19 sur les variants (Vanhove B. et al. BioRxiv, 2021), et les premiers résultats cliniques issus de la phase IIa (Gaborit B. et al. MedRxiv, 2021). Au-delà de ces recherches, de ces process et des essais cliniques (Euroxav) lancés dans cinq pays (Grèce, Roumanie, Espagne, Turquie, Bulgarie) ces résultats devront être validés par l’ANSM au cours de l’été.

Menés à marche forcée, ces travaux ont permis à Xenothera d’accélérer l’acquisition de savoir-faire.

« La taille de l’entreprise a doublé. Nous sommes passés de huit à dix-sept personnes et nous allons effectuer quatre embauches d’ici à l’été; Nous avons mis au point toute la production industrielle en un an, la production de LFB va être multipliée par dix… et tout est à l’avenant. Ce que nous n’avions pas prévu à aussi court terme », admet-elle.

Les efforts et la technologie déployés pour le XAV-19 vont bénéficier également à d’autres applications comme les maladies nosocomiales, les transplantations, l’oncologie sur lesquels travaille Xenothera, dont l’ambition est de devenir l’un des leaders mondiaux des anticorps polyclonaux. Dans cette course, elle estime faire face à un seul concurrent américain, qu’elle juge « un peu en retard », malgré un budget de 527 millions de dollars. Un autre monde. « C’est mieux que d’être tout seul », dit-elle, au regard d’une présence qui crédibilise aussi le rôle des anticorps polyclonaux dans la lutte contre la Covid.Frédéric Thual

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