Utiliser le virus de l’herpès comme vecteur viral pour une thérapie génique. Telle est l’idée d’EG 427, une jeune biotech qui vient de clôturer sa levée de fonds pour un montant total de 18 M€.

Et si on utilisait le virus (atténué) de l’herpès comme navette pour une thérapie génique ? C’est l’idée de la jeune biotech parisienne EG 427 qui s’est lancée dans le développement d’un premier candidat-médicament avec cette technologie, dite de vecteur herpétique non réplicatif (nrHSV-1).

Le recours à ce vecteur inhabituel a gagné en popularité, ces dernières années, comme en témoigne l’approbation aux États-Unis d’un produit développé par Krystal Biotech, en mai dernier. « L’idée n’est pas nouvelle, elle a plus de trente ans, mais elle se confrontait jusqu’alors à des difficultés pour produire ce type de vecteur », rappelle Philippe Chambon, fondateur et p-dg d’EG 427.

Au cours du temps, il a fallu également lever des craintes sur l’utilisation de ce type de virus chez l’Homme. Autant d’éléments qui privaient jusqu’alors l’avancée sur ces vecteurs. Le recours à un vecteur herpétique présente de nombreux avantages. Cette navette peut embarquer des séquences codantes de grande taille, plus importantes que pour les vecteurs viraux utilisés traditionnellement, comme les adénovirus associés ou AAV.

Autre avantage, le vecteur viral issu de l’herpès ne provoque pas de réaction importante de défense du système immunitaire. « Ce sont des vecteurs sans risques majeurs, que l’on peut réutiliser et réinjecter, comme peu d’autres vecteurs viraux », souligne Philippe Chambon. Le traitement administré ne risque ainsi pas d’être neutralisé par les barrières de l’organisme. De plus, l’efficacité du traitement reste maintenue dans le temps. En effet, cette caractéristique reste importante pour le candidat-médicament d’EG 427. « Les virus herpétiques sont destinés à entrer dans les neurones et à y rester en latence toute la vie d’un individu. C’est ce mécanisme de latence qu’on exploite pour avoir une expression à très long terme », précise-t-il.

Une application qui cible les neurones sensoriels

Le premier candidat-médicament d’EG 427 se positionne contre l’hyperactivité de la vessie neurologique. Une pathologie qui provoque des incontinences urinaires, liées à des maladies neurodégénératives telles que la sclérose en plaques, ou de Parkinson, ou des blessures de la moëlle épinière. « Un trouble particulièrement invalidant pour les malades, pour lequel les seuls traitements existants passent par une action paralysante de la vessie et contraignent le patient à devoir se poser eux-mêmes une sonde urinaire », explique Philippe Chambon.

Le traitement développé par EG 427 cible les neurones sensoriels (ou neurones de type C). La thérapie génique pénètre dans les neurones par les axones innervant la vessie et l’expression se fait sur le long terme, laissant envisager une action longue durée (la biotech espère une efficacité possible de plusieurs années). Ce candidat-médicament reste à valider en clinique, la prochaine étape pour EG 427. La biotech souhaite lancer une phase clinique Ib/IIa, dès le début de 2024. « L’étude va nous permettre de comprendre la safety et de mesurer des paramètres d’efficacité », souligne Philippe Chambon.

Pour cela, EG 427, qui vient de clôturer une série A pour un montant total de 18 millions d’euros, veut se refinancer d’ici à la fin de l’année pour pouvoir mener à bien ce premier essai clinique d’envergure. Avec l’avancée en clinique, la jeune biotech a également programmé une montée en puissance sur la production. « Nous travaillons avec une CDMO basée en Italie, Reithera », précise le dirigeant, plutôt optimiste sur les possibilités de montée en échelle. « Au cours du temps, on a vu de plus en plus de CDMO s’intéresser à cette technologie. Quand on a commencé en 2019, le choix était très restreint, désormais beaucoup plus d’entreprises ont les compétences pour produire ce type de vecteurs », observe-t-il. Des fonds supplémentaires aideraient aussi à lancer d’autres développements, toujours avec cette même technologie.

Des applications multiples

Sur l’urologie, EG 427 pourrait s’intéresser à la vessie hyperactive, une maladie qui provoque des urgences mictionnelles et affecte des millions de personnes en France. « Un autre projet encore en phase d’études animales porte sur la modification de neurones sensoriels excitatoires en neurones inhibiteurs, notamment impliqués dans la contraction involontaire de muscles ou dans des douleurs localisées », explique Philippe Chambon.

Avec un mécanisme d’action qui cible les neurones, la question d’application sur des maladies du système nerveux central se pose aussi forcément. « Ces cibles sont possibles, au moyen d’injections directement dans le liquide céphalorachidien ou d’injections stéréotaxiques (N.D.L.R., ciblant certaines zones du cerveau) », poursuit-il.

De telles approches ont déjà été évaluées par d’autres laboratoires en traitements de tumeurs cérébrales. Autant de cibles qui ouvrent des perspectives pour ces vecteurs. « Ce ne sont pas des vecteurs qui seront amenés à être utilisés dans tous les domaines », rappelle cependant Philippe Chambon. « Les AAV sont, par exemple, indispensables pour les thérapies géniques qui agissent de manière systémique ».

Créée en 2019, EG 427 est basée à Paris. La biotech a été fondée sur les travaux de recherche menés en Europe entre les universités de Versailles, de Ferrara (Italie) et de Madrid (Espagne) et l’AP-HP hôpitaux de Paris, et soutenus par la SATT Paris-Saclay ; elle a bénéficié de 2 M€ depuis son lancement, issus de la Région Île-de-France, du gouvernement français et de Bpifrance.

Source: L’Usine Nouvelle